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Justice: l’OCNH fixe sa position sur la décision du CSPJ concernant la certification des Magistrats

Suite à la publication du procès-verbal du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) révélant que sur les 69 dossiers transmis par la Commission technique de certification (CTC) pour des magistrats, 31 ont été certifiés et 28 autres n’ont pas été certifiés», l’Organisation Citoyenne pour une Nouvelle Haïti (OCNH) se positionne sur cette décision et fixe sa position, car elle est la seule structure de droits humains ayant adressé á la cour des comptes à maintes reprises sur la corruption au sein du CSPJ. Cependant, elle souhaiterait que cette décision respecte les principes du droit et ne soit pas une décision politique en vue de régler des différends avec les juges susmentionnés.

Découvrir la position de l’OCNH autour de cette affaire dans les paragraphes qui suivent.

Réunis à l’Hôtel El Rancho dans le cadre d’une retraite professionnelle qui s’est tenue du 11 au 13 janvier 2023, Jean-Joseph LEBRUN, Président du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire et les Conseillers Carves JEAN, Durin Jr DURET, Wando SAINT-VILLIER, Nadert DESIR et Evens FILS assistés du Secrétaire Technique, Jean-Robert CONSTANT ont statué sur les 69 dossiers transmis par la Commission Technique de Certification (CTC) pour la certification de Magistrats. Après traitement des dossiers , a indiqué le CSPJ dans l’Extrait du registre No 2, pages 501-510 des procès-verbaux, compte rendus et résolutions du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ), 31 Magistrats ont été certifié contrairement à 28 autres.
L’Organisation des Citoyens pour une Nouvelle Haïti (OCNH) prend acte de la décision du CSPJ et émet ses réserves particulièrement sur les motifs avancés par le conseil pour justifier sa résolution d’émettre un avis défavorable à la certification des Magistrats. En effet, le justificatif « très décrié et absence d’intégrité morale » a été mentionné dans 23 des 28 cas. Le motif « Absence d’intégrité morale » est quant à lui utilisé 4 fois. Comment expliquer une telle redondance du premier motif ?
L’OCNH ne veut pas croire que le CSPJ a préféré de faire confiance à la clameur publique d’où le « très décrié » en lieu et place de la loi.
L’Organisation des Citoyens pour une Nouvelle Haïti (OCNH) observe que depuis plusieurs années la question de la certification des Magistrats a suscité beaucoup de préoccupations. La loi du 17 décembre 2007 portant création du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) en ses articles 22 à 35 consacre l’exercice du pouvoir disciplinaire à l’égard des Magistrats. Pour mieux accomplir sa mission de contrôle des conduites des magistrats et assainir le système, le CSPJ a institué depuis juillet 2014, une Commission Technique de Certification (CTC) composée de représentants du CSPJ et du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP). Les premières conclusions des travaux de la CTC ont été publiées le 17 novembre 2017.

Tout en admettant l’importance de ce mécanisme en vue d’épurer le système, l’OCNH exprime toutefois ses inquiétudes et ses réserves concernant les méthodes applicables par la CTC pour accomplir sa mission. Plusieurs Magistrats sanctionnés dénoncent la CTC qui devient de plus en plus un instrument de persécution agissant en dehors des règles minimales applicables en matière d’enquête, des principes généraux relatifs à l’indépendance de la Magistrature adoptés par les Nations-Unies en 1985 et de la Loi du 17 novembre 2007 créant le CSPJ.

Des conflits d’intérêt impliquant des membres du CSPJ et des juges seraient à la base d’une vaste opération de lynchage d’un bon nombre de Magistrats non certifiés. Il faut souligner que dans beaucoup de cas, les principes du contradictoire, de présomption d’innocence, d’impartialité et de neutralité et de discrétion qui doivent caractériser tout processus de certification des Magistrats n’ont pas été respectés. Diverses informations recueillies par l’OCNH font état d’une certaine suspicion sur la crédibilité, l’indépendance, la discrétion au niveau du travail de la CTC.

L’OCNH croit que « Toute accusation ou plainte portée contre un juge dans l’exercice de ses fonctions judiciaires et professionnelles doit être entendue rapidement et équitablement selon la procédure appropriée. Le juge a le droit de répondre, sa cause doit être entendue équitablement. La phase initiale de l’affaire doit rester confidentielle, à moins que le juge ne demande qu’il en soit autrement » (Règle No.17.Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la Magistrature).

Malheureusement, les procédures adoptées par le CSPJ ne sont pas en conformité avec les dispositions portant sur les garanties judiciaires consacrées au niveau du Pacte International relatif aux droits civils et politiques, de la Convention Américaine relative aux droits de l’Homme et des Principes fondamentaux des Nations-Unies relatifs à l’indépendance de la Magistrature.

Aucune disposition appropriée n’a été prise pour qu’un organe indépendant et compétent puisse procéder à la révision des décisions rendues en matière disciplinaire, de suspension ou de destitution. Il y a lieu de souligner que les avis favorables émis par le CSPJ constituent des décisions administratives susceptibles d’être attaquées par devant la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA). Cela confirme que les pratiques du CSPJ n’offrent aucune possibilité de recours ni administratif ni juridictionnel. Pourtant, dans tout système démocratique et d’état de droit, l’accès à des voies de recours demeure une obligation pour tous les Etats en vertu des instruments internationaux. Sur quoi se base le CSPJ pour évincer un Magistrat pour vol sans qu’il n’y ait une décision de Justice passée en force de chose souverainement jugée?

L’OCNH voudrait rappeler qu’en matière disciplinaire, le CSPJ peut être saisi soit par le Ministre de la Justice, soit par le Doyen du Tribunal Civil, le Président de la Cour d’Appel, soit par toute personne estimant avoir été directement victime du comportement d’un Magistrat susceptible d’engager sa responsabilité disciplinaire stipule l’article 22 de ladite loi. Lorsque la plainte est recevable, il revient au Président du CSPJ de désigner un membre du Conseil comme Rapporteur chargé de procéder à l’instruction de l’affaire (article 25).

La procédure définie dans l’article suivant confère au juge mis en cause le droit d’accès au dossier sur lequel repose la plainte et rappelle que la procédure est soumise aux principes généraux de la procédure civile dont celui de la confrontation. Alors si la procédure établie par la loi a été respectée comment le CSPJ peut-il trancher sur la base du « passé douteux » des juges ? La procédure suivie lors de l’émission d’un avis favorable ou défavorable à la certification d’un Magistrat du système judiciaire haïtien n’est pas conforme aux prescrits des instruments internationaux.

L’OCNH tient à rappeler que la Constitution Haïtienne et des instruments internationaux signés et ratifiés par Haïti dont la Convention Interaméricaine des Droits de l’Homme et le Pacte sur les droits civils et politiques permettent à tous, y compris les Magistrats, le Droit à un recours effectif, à une justice équitable, de jouir du principe de la présomption d’innocence. En aucun cas « un passé douteux » ne peut justifier : la réprimande avec inscription au dossier ; le retrait de certaines fonctions au sein de la magistrature ni la mise en disponibilité sans traitement qui sont les sanctions encourues par les Magistrats du siège en matière disciplinaire. De plus, les Magistrats ne peuvent jouir de leur droit de recours puisque le Conseil ne peut siéger avec la totalité de ces membres.

Face à une telle situation, l’OCNH en sa qualité d’organisme de droits humains tout en souhaitant des dispositions afin d’épurer le système judiciaire haïtien, invite le Ministère de la Justice d’agir a la prudence dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations du CSPJ et recommande de :

• Permettre aux Magistrats de prendre connaissance du rapport d’enquête émis contre eux ;
• S’assurer que la procédure a été respectée, dans le cas contraire de faire machine arrière sur sa décision ;
• Prendre les dispositions nécessaires pour que les Magistrats qui le veulent arrivent à jouir de leur droit de recours.

Fait à Delmas, 17 janvier 2023

Me Camille OCCIUS
Directeur Exécutif

FCN Haïti

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