La chronique de Jean MAPOU: Du journalisme en plastique « au plasti-journalisme »
Par Jean Junior JOSEPH
J’avais tenu des critiques sévères à propos d’un certain journalisme de caniveau exercé dans la presse haïtienne depuis quelques années. Les notions théoriques sont tellement galvaudées dans la pratique de ce métier. Et, la profusion des medias en ligne, la prolifération des « écoles de communication » et le manque de repère pour les jeunes sans emploi sont souvent identifiés comme les causes de la projection de ce tableau montrant la presse comme un lieu à succès facile et le journalisme, une piscine de Bethesda dans une société au quotidien tumultueux.
Quand je l’ai entendu pour la première fois à l’émission «Gran Boulva», je me suis dit, «Ay fout Bob C resi di yon bagay ki tonbe nan vwazinay pawòl sanse, oswa ki ta ka soti nan bouch moun ki li nan ti malis…», parce que je croyais que le terme « Jounalis Plastik » sous-entendait pour l’homme à la grande gueule, les jeunes journalistes peu convaincus encore moins convaincants, qui pour une raison ou une autre tournent le dos aux savoirs pour encombrer le champ de travail à la recherche de je ne sais quoi sinon un pain; un simple pain. Mais en l’écoutant terminer ses propos une sueur froide coula sur mon visage, je resserrai mon poing, relâchant en grinçant les dents, Ah bon il vient d’annoncer une hécatombe dans le rang de la presse en ligne.
Une hécatombe! Oui on y est presque, car moins d’une semaine après, les propos de «papa pèp» auront de l’effet. Plusieurs journalistes sont devenus la cible des policiers répondant à l’appel de l’un des messagers de la tyrannie. On en compte déjà un mort et des blessés graves par balles lors des manifestations. Et à entendre le président de la République traiter la presse de repère de bandits, on dirait que l’ordre de massacrer cette bande d’emmerdeurs est maintenant confirmé et validé. Feu à volonté sur tous ceux qui portent une carte de presse! Car il se pourrait que ce soit des bandits qui ne sont pas dans nos rangs… Dommage que les propos de Jovenel Moise viennent de sceller la condamnation de tous les journalistes même les plus zélés et fervents serviteurs qui n’auront pas eu le temps de s’identifier sous les balles des hommes en uniforme.
Je me mettais déjà d’accord sur le fait que le terme n’était pas élogieux à l’égard de ces jeunes soldats de bonne volonté et naïveté dont on ne pourra point leur reprocher; mais en prenant tout mon temps pour y réfléchir et en discuter avec mon ami Amos Louis, je me rend compte au final, que le son qui était en train de s’articuler comme un concept dans ma tête était en réalité de vulgaires injures contre des jeunes courageux, qui tentent malgré-eux d’affronter la vraie vie sans un neuf millimètre ou un micro pour faire du marchandage; sans devenir des «bandi Legal» couverts de l’impunité par leur contact au gouvernement ou dans la société civile, ou encore légitimés par un titre de directeurs d’opinions dans nos médias traditionnels.
Regardons de près cette matière définie comme composant du journaliste des médias en ligne selon Bob C et ses acolytes. Outres ses méfaits sur l’écosystème s’il est soumis à un mauvais usage, comme dans la combustion, le plastique comporte d’excellentes propriétés mécaniques, une bonne résistance thermique jusqu’à 120°C, très transparent, physiologiquement neutre, il est utilisé pour isoler le courant électrique.
Par sa neutralité et son imperméabilité, le journaliste plastique fait jusque-là preuve d’une certaine résistance aux tentatives de le transformer en une caisse de résonance qui véhicule la pensée du règne en déclin du désordre établi. Le journaliste plastique, puisqu’il est n’est guère détenteur du micro étalé sur les tréteaux de la presse marchande, n’est pas un directeur d’opinion, ne peuvent pas semer l’opium des tenants du système pourri.
Dans le domaine de l’art, le plastique est considéré comme une matière qui prend toutes les formes possibles. Les arts plastiques, inventés par Emmanuel Kant au XVIII siècle, comme étant les arts visuels, sont le regroupement de toutes les pratiques ou activités donnant une représentation artistique, esthétique ou poétique, au travers de formes et de volumes. En terminant cette phrase je me souviens de Vlad, je pense profondément à JJ Augustin ou encore à Dieu- Nalio Chéry sans oublier Fanfan Jean Louis des généreux artistes de l’image, qui, sans être soumise à la censure, vaut plus que mille mots qui ne puissent jamais sortir de la bouche des marchands de micros.
J’aimerais dans ce papier, vous laisser déduire pourquoi tous ces acharnements contre les journalistes plastiques. Mais pour vous guider dans cet exercice, je vais essayer de vous faire part de mon intime conviction. Je ne me propose en aucune façon de défendre une cause perdue, or dois-je malheureusement l’admettre, il y a, comme il y en aura toujours de l’ivraie parmi les bonnes plantes ou encore, reconnaissons-le, les bons grains peuvent tomber dans de mauvaises terres…
Avec son Smartphone, un selfie ou un trépied, tous quasiment de matière plastique; bref de l’objectif de sa caméra, le journaliste plastique devient un artisan qui peint les faits de l’actualité, les événements, les agissements des acteurs sans filtre, en temps réel grâce à l’internet. Les faits nous parviennent dans leur forme concrète selon leur volume; et les marchands de micros n’auront toujours pas le temps de les diriger dans l’opinion selon le modèle de pensée du système combattu aujourd’hui. Ces journalistes sont devenus des plasticiens des événements au quotidien. Les tableaux qu’ils nous proposent de regarder sur le web, contre toute attente nous permettent d’avoir notre propre point de vue du présent qui s’articule autour de nous et de comprendre l’avenir que nous sommes en train de façonner ou encore d’en prendre conscience, sans l’aide des discours infectés d’opium, des grandes gueules de Journalistes “pâte à modeler”.